La Drépanocytose en Martinique : Entretien avec le Dr Gylna Loko
Découvrez notre entretien avec le Dr Gylna LOKO, responsable du centre de drépanocytose au CHUM (Site de Mangot-Vulcin). À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, une maladie du sang génétique et invisible qui touche en majorité les populations des Antilles et de l’Afrique Subsaharienne, elle nous explique en détail cette maladie génétique qui touche une grande partie de la population martiniquaise.
Bonjour Dr LOKO, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Dr Gylna LOKO : Je suis médecin, praticien hospitalier, responsable du centre de Drépanocytose au CHUM (Site de Mangot-Vulcin) et coordinatrice du centre de référence drépanocytose et présidente de l’ASAD Martinique (Association de Soutien aux Actions contre la Drépanocytose 972) arrivée en Martinique depuis octobre 1997. Dès mon arrivée, j’ai pu mettre à profit mes connaissances en drépanocytose. Contrairement à beaucoup de médecins qui viennent en Martinique pour apprendre cette maladie, j’avais déjà une spécialisation en drépanocytose grâce à ma formation à l’Université Paris VI, où il y avait une forte population afro-descendante.
Qu’est-ce que la drépanocytose ? Pouvez-vous nous l’expliquer brièvement ?
Dr Gylna LOKO : La drépanocytose est une maladie génétique du sang, affectant les globules rouges et l’hémoglobine qu’ils contiennent. Cette maladie produit une hémoglobine anormale, rendant les globules rouges fragiles et rigides, ce qui provoque des occlusions dans les petits vaisseaux sanguins. La drépanocytose est une maladie systémique, inflammatoire et vasculaire, non limitée aux globules rouges.
Quelle est la situation de la drépanocytose en Martinique ? Pouvez-vous nous donner quelques données chiffrées sur cette maladie dans la région ?
Dr Gylna LOKO : En Martinique, environ 8 % de la population est porteuse du gène de la drépanocytose. On estime qu’il y a entre 1500 et 2000 personnes drépanocytaires sur l’île. Depuis 1984, nous pratiquons le dépistage néonatal à la naissance, ce qui permet une prise en charge précoce. Actuellement, 280 enfants sont suivis à la Maison de la Femme et de l’Enfant (MFME), et environ 950 adultes sont pris en charge au centre de drépanocytose de Mangot Vulcin.
Comment est-ce d’exercer en tant qu’hématologue en Martinique ? Quels sont les défis et les avantages que vous rencontrez dans votre pratique ?
Dr Gylna LOKO : L’un des principaux avantages est de pouvoir exercer un métier que j’aime, particulièrement dans le domaine de la drépanocytose, qui m’a toujours intéressée. Le petit territoire de la Martinique facilite les relations humaines et l’engagement des patients dans nos projets de recherche. Cependant, les défis sont nombreux. La drépanocytose est une pathologie coûteuse et nécessite une prise en charge continue. Le manque de ressources humaines et financières impacte la qualité des soins. De plus, il y a un manque d’intérêt de la part des directions administratives hospitalières à cause du coût élevé des traitements. Nous dépendons souvent du bon vouloir de l’État pour obtenir des financements spécifiques.
Quels sont les traitements disponibles pour la drépanocytose en Martinique et quelles sont les innovations récentes dans ce domaine ?
Dr Gylna LOKO : En Martinique, tous les traitements disponibles sont accessibles, sauf la greffe de moelle, pour laquelle les patients doivent se rendre dans l’Hexagone. Nous espérons beaucoup de la thérapie génique, bien qu’elle soit encore en phase expérimentale et coûte très cher. Le dépistage néonatal, en place depuis 1984, permet une prise en charge précoce des enfants. Les traitements incluent l’antibiothérapie prophylactique, l’Hydroxyurée pour réduire les crises douloureuses, et d’autres médicaments spécifiques disponibles à l’hôpital. La greffe de moelle, autrefois réservée aux enfants, est désormais aussi proposée aux adultes, avec des résultats prometteurs.
Dr LOKO, nous vous remercions énormément pour votre temps et votre partage précieux d’informations.